Selon Actes 20:7 et 1 Corinthiens 16:2, ne peut-on pas tracer l’origine du culte dominical aux temps des Apôtres?

Ces[1] deux textes sont examinés en détail dans ma dissertation Du Sabbat au Dimanche, traduction française de Dominique Sébire (P. Lethielleux, Paris 1984) pp. 77-95. Dans ce contexte ci, je me limite à quelques observations.

1 Corinthiens 16:2: Une assemblée dominicale chrétienne?

Plusieurs voient dans le plan de la collection de fonds, le premier jour de la semaine, une indication claire que l’Église Chrétienne se rassemblaient durant ce jour, pour le culte. Les diverses tentatives d’extrapoler du plan de la collection de fonds de Paul, en tant qu’habitude d’observance dominicale démontre de l’originalité et de l’inventivité, mais elles sont fondées sur des arguments inventés et non pas sur l’information actuelle du texte. Observez d’abord, qu’il n’y a rien dans le texte qui suggère des assemblées publiques étant donné que le mettre de côté de fonds devait être fait « chez lui— par’heautôt ». Cette expression suggère que la collecte devait être faite individuellement et en privé.

Si la communauté chrétienne prie ensemble le Dimanche, la recommandation de Paul sur l’épargne à la maison semble paradoxale. Pourquoi les Chrétiens déposeraient-ils leur argent chez eux le Dimanche, si ce même jour, ils se réunissent pour le culte? L’argent n’aurait-il pas dû être apporté à ce culte?

Le but du plan de la collection de fonds.

Le but du plan de la collection de fonds, le premier jour de la semaine, est clairement indiqué par l’apôtre Paul: « afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour faire les collectes » (1 Co 16:2). Ainsi, ce plan n’est pas destiné à rehausser le Dimanche par une offrande cultuelle, mais à assurer une collecte importante et efficace lors de son arrivée. On peut remarquer dans ce plan quatre points caractéristiques: l’offrande devait être faite périodiquement (« le premier jour de la semaine » v.2), personnellement (« chacun de vous » v.2), en privé (« chez lui » v.2), et proportionnellement (« ce qu’il pourra selon ses moyens » v.2).

À cette même communauté dans une autre occasion, Paul éprouve le besoin d’envoyer des frères « à me devancer chez vous… de votre libéralité déjà promise, afin qu’elle soit prête, comme une libéralité, et non comme un acte d’avarice » (2 Co 9:5). L’apôtre désire éviter l’embarras des collecteurs aussi bien que des donateurs, si ces derniers n’avaient pas été « prêts » (2 Co 9:4) avec leurs offrandes. Et c’est pour éviter ces problèmes qu’il recommande ici dans 1 Co 16:2, un temps— le premier jour de la semaine— et un lieu— les maisons particulières.

La mention du premier jour par Paul pourrait avoir un motif plutôt pratique que théologique. Attendre la fin de la semaine ou du mois pour mettre de côté sa contribution n’est pas conforme à une bonne gestion, puisqu’on risque de se trouver les poches vides. Par contre, si le premier jour de la semaine on met de côté ce qu’on veut donner, le reste sera réparti en fonction des nécessités. Il semble raisonnable que Paul ait recommandé aux Chrétiens de prévoir pour le premier jour de la semaine— c’est à dire juste après le Sabbat— la contribution à la collecte, avant que d’autres priorités ne puissent diminuer les ressources. Ainsi, le texte propose une façon efficace pour assurer la collecte en faveur des pauvres de Jérusalem: ce serait le forcer que de vouloir lui faire dire plus.

Actes 2:7-11: L’assemblé à Troas, le premier jour.

On attache à ce passage une grande importance, parce qu’il contient la seule référence explicite du Nouveau Testament à une assemblée chrétienne «  le premier jour de la semaine, pour rompre le pain  » (v.7). F.F. Bruce, par exemple, affirme qu’on a là «  la première preuve, sans appel, du rassemblement chrétien pour un culte ce jour-là ».[2] Et de même, P.K. Jewett écrit qu’«  on a ici le plus ancien témoignage clair d’une assemblée chrétienne à but cultuel le premier jour de la semaine ».[3] On pourrait multiplier ces prises de position.

Ces conclusions catégoriques reposent toutes sur l’hypothèse que le v. 7 représente une «  formule fixée  » qui décrit le temps habituel («  le premier jour de la semaine  ») et la nature du culte chrétien primitif <«  rompre le pain  »). Mais si l’on remarque que l’assemblée a lieu le soir, que la «  fraction du pain  » a lieu après minuit (vv. 7, 11) et que Paul quitte les croyants à l’aube, plusieurs questions doivent être considérées avant de tirer une conclusion. Le moment et la nature de l’assemblée de Troas, étaient-ils habituels ou extraordinaires, occasionnés peut-être par le départ de l’apôtre ?

Une assemblée spéciale d’adieu.

Le contexte indique clairement que c’était une assemblée spéciale d’adieu occasionner par le départ de Paul, et non pas une coutume régulière de culte dominical. L’assemblée commença durant la soirée du premier jour, laquelle, d’après la façon juive de noter le temps, était le samedi soir, et l’assemblé continua jusqu’au début du Dimanche matin, quand Paul fit son départ. Etant une assemblée de nuit, occasionnée par le départ de l’apôtre à l’aube, c’est à peine un exemple de l’observation régulier du Dimanche.

Paul aurait célébré avec les croyants seulement durant la nuit du Dimanche, et il aurait voyagé pendant le jour. Nous savons que ceci n’était pas permis pendant le Sabbat, et ce n’aurait pas été non plus un bon exemple d’observance dominicale. Le texte semble suggérer, comme le note F.J. Foakes-Jackson, que «  Paul et ses amis, en bons Juifs, ne pouvaient pas commencer un voyage le jour du Sabbat ; ils le font aussi tôt que possible, dès l’aurore (v. 12) le «  premier jour  » — le Sabbat étant terminé depuis le coucher du soleil  ».[4]

Rompre le pain.

L’expression technique «  rompre le pain — Clasai arton  » mérite d’être examinée plus attentivement. Que signifie-t-elle exactement dans le contexte de ce passage ? A-t-elle le sens de ‘dîner ensemble’ ou de célébrer l’eucharistie?  On doit noter que la fraction du pain est simplement un geste nécessaire et habituel à la préparation d’un repas en commun. La fraction du pain désigne tout repas habituel par le geste qui en marque le début. Dans la plus part des cultures Européennes, la même fonction est accomplie par les mots de l’hôte: « Bon appétit! » Ce rituel nous donne la permission de commencer le repas.

Dans la littérature post-apostolique, l’expression «  rompre le pain » deviendra l’appellation technique du repas du Seigneur. Alors qu’on doit admettre le fait pour la littérature post-apostolique, il ne semble pas que la signification soit fixée de façon exclusive dans le Nouveau Testament. De fait, le verbe «  rompre — Claô  » suivi du nom «  pain — artos  » se retrouve quinze fois dans le Nouveau Testament. À neuf reprises il désigne l’action du Christ qui rompt le pain pour nourrir la multitude, quand il prend son dernier repas ou quand il mange avec ses disciples après la résurrection (Mt 14:19; 15:36; 26:26 Mc 8:6; 9:19; 14:22 Lc 22:19; 24:30; 24:35); deux fois il se réfère au repas de Paul (Ac 20:11; 27:35); deux fois il désigne la fraction du pain au cours du repas du Seigneur (1Co 10:16;11:24), et deux fois il s’applique aux disciples ou aux croyants qui «  rompent le pain  » ensemble (Ac 2:46 ; 20:7).

Il faut remarquer qu’en aucun de ces cas le repas du Seigneur n’est désigné explicitement ou techniquement comme la «  fraction du pain  ». On pourrait voir une référence au repas du Seigneur dans les deux textes  d’Actes 2, 46 et 20, 7. Mais pour Ac 2, 46, la phrase «  ils rompaient le pain dans les maisons  » désigne de toute évidence la table commune des premiers Chrétiens, comme l’indique le texte «  Chaque jour… ils prenaient leur nourriture avec allégresse et simplicité de coeur, ils louaient Dieu et obtenaient la faveur de tout le peuple. » (vv. 46-47).

Il est possible que cette communauté de table quotidienne ait inclu la célébration du repas du Seigneur on peut difficilement la considérer comme une célébration exclusive de l’eucharistie. Le texte parallèle d’Ac 20:7, «  nous étions assemblés pour rompre le pain  » ne veut peut-être rien dire d’autre que «  nous étions assemblés pour manger ensemble  ». De fait, il n’y a aucune mention d’une coupe, ni même de prières ou de chants, ou de lecture scripturaire. Paul seul rompt le pain et mange. Rien n’indique qu’il ait béni le pain et le vin, ni qu’il l’ait distribué aux croyants.

De plus, la fraction du pain était suivie d’un repas «  mangea— geusamenos  » (v. 11). Le même verbe est utilisé par Luc en trois circonstances où il désigne la satisfaction de la faim (.Ac 10:10; 24:14; Lc 14:24). Sans aucun doute, Paul avait faim après son discours prolongé, et avait besoin de se sustenter avant de continuer son exhortation et d’entreprendre son voyage. Mais s’il avait célébré le repas du Seigneur en y joignant un repas normal, il aurait agi contrairement à ses instructions aux Corinthiens, à qui il demande instamment de calmer leur appétit en mangeant chez eux avant de se réunir pour célébrer le repas du Seigneur (1 Co 11:2, 22, 34).

Le Nouveau Testament ne donne aucune indication sur un jour précis pour la célébration du repas du Seigneur. Paul, nous l’avons remarqué, recommande aux Corinthiens de choisir un jour précis pour l’épargne de leurs offrandes; lorsqu’il s’agit du repas du Seigneur, il ne cesse de leur répéter «  lorsque vous vous réunissez ensemble  » (1 Co 11:18, 20, 33, 34) ce qui implique un temps et des jours indéterminés.

La façon la plus simple d’expliquer ce texte est que Luc précise le jour, non pas parce que c’est un Dimanche, mais 1. parce que Paul était prêt à « partir  » (20:7), 2. à cause de l’incident extraordinaire d’Eutychès et du miracle, et 3. parce que cela fournit un point de repère chronologique supplémentaire pour suivre le voyage de Paul.


[1] Cette question a été ajoutée par le traducteur. Le texte de la réponse a été tiré du livre de Samuele Bacchiocchi, The Sabbath Under Crossfire, (Biblical Perspectives, 1988, Berrien Springs, MI), pp. 33-37.

[2] F .F. BRUCE, Commentary on the book of the Acts, 1954, p. 407.

[3] P.K. JEWETT, Lord’s day p. 61.

[4] F.J. FOAKES-JACKSON, The Acts of the Apostles (1945), p. 187.

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